De nombreuses startups MedTech prennent plusieurs années de retard sur la mise sur le marché. Ce phénomène ne s’explique ni par la technologie ni par la réglementation. La cause principale tient à l’absence d’une gouvernance apte à structurer le développement autour des exigences spécifiques au dispositif médical. Le problème n’est pas la conformité en elle-même. Il se trouve dans la manière dont les décisions de conception sont prises, documentées et reliées à une stratégie d’accès au marché réaliste. Ce cloisonnement entre développement et besoins réels de l’écosystème est source d’incohérences, de reconceptions coûteuses et de pertes d’opportunités commerciales. À l’inverse, les projets qui intègrent les leviers d’accès au marché dès le départ avancent beaucoup plus vite, et possèdent un avantage de compétitivité considérable sur leurs concurrents plus récalcitrant
Il est courant d’attribuer les retards des projets MedTech à la lourdeur réglementaire. Pourtant, les blocages constatés ne proviennent presque jamais d’un rejet formel par les autorités. Ils émergent bien plus tôt, au sein même des équipes de développement. Le produit évolue sans cadre clair, les exigences sont mal traduites, et la traçabilité est absente. Finalement, quand vient le moment de déposer la demande de mise sur le marché, le dossier bloque. Ce n’est pas l’autorité qui bloque mais le projet qui échoue intrinsèquement à prouver sa conformité.
J’ai accompagné deux projets qui illustraient ce schéma. Dans les deux cas, la direction avait explicitement écarté les concepteurs des activités de gestion des risques, d’évaluation clinique, et de façon générale de toutes les obligations technico-réglementaires. Les ingénieurs n’avaient ni participé à la rédaction des exigences, ni documenté les justifications techniques. L’ensemble de la conformité avait été externalisé ou confié à des fonctions supports comme l’assurance qualité. Le résultat a été le même.
Ces entreprises ont prise respectivement quatre et cinq années de retard accumulées. leurs produit final s’est limité à une fraction de ses fonctionnalités initiales, sans que les deux entreprise soit capables de les faire évoluer agilement, dans un délai raisonnable face a leurs concurrents respectifs. L’impact de ces insuffisances se traduisit par une perte nette de valeur sur le plan stratégique et à requis pour l’une d’elle, un pivot et un rebranding pour sortir complètement la société et les produits du dispositif médical avec un succès plus que mitigé.
Ces dérives ne relèvent pas d’un déficit technique. Elles sont la preuve d’une culture d’entreprise qui reste ancrée dans des modèles issus du développement logiciel ou industriel généraliste. Les fondateurs pensent pouvoir itérer rapidement, produire des livrables après coup et ajuster la conception au fil du temps. Ce raisonnement qui serait tout à fait valable dans d’autres industries ignore malheureusement les spécificités des dispositifs médicaux.
En Medtech, les preuves de maîtrise sont aussi importantes que le produit lui-même. Une autorité ne peut approuver un dispositif que si chaque exigence est traçable jusqu’à une preuve objective. Cette logique ne peut être satisfaite que si elle est pensée dès la conception et entretenue tout le long du projet.
Pourtant, contrairement à une idée reçue, les entreprises qui réussissent à percer sur le marché ne disposent pas toujours de moyens supérieurs. Leurs secret consiste a organiser leur développement différemment de leurs pairs. Elles commencent par définir un cadre où chaque phase du projet s’inscrit dans une logique de justification. Les exigences réglementaires ne sont pas traitées en aval. Elles sont analysées, comprises et traduites dès le départ. Les ingénieurs ne sont pas spectateurs, mais des acteurs a part entière qui participent proactivement à la construction des preuves. Ce travail de fond évite les reconceptions, donne de la cohérence au produit et résulte d’un projet qui permet aux auditeurs de suivre un raisonnement clair, sans blocage ni flou documentaire et donc d’accélérer considérablement l’accès au marché et les modifications ultérieures du produit.
C’est pourquoi construire la traçabilité dès le début du projet permet non seulement de répondre aux attentes des autorités, mais aussi de piloter la cohérence technique. L’équipe gagne en visibilité sur ses choix. Les justifications sont disponibles et les vérifications et validations associés sont soigneusement exécutée. L’ensemble du projet est transparent. Il s’agit d’un mécanisme de maîtrise. Les outils peuvent être simples au départ, un simple fichier excel peut suffire. Ce qui compte, c’est la discipline de raisonnement. Lorsque cette logique est en place, la revue réglementaire ne représente plus une menace et devient un prolongement naturel du développement.
Instaurer ce niveau de maturité ne relève pas de l’équipe qualité. Cela commence par une décision de gouvernance qui doit être appliquée quotidiennement. Le dirigeant doit comprendre que la conformité est une construction collective. Il doit s’entourer de profils capables de piloter les interdépendances entre conception, exigences et stratégie marché et ainsi structurer un processus qui sécurise l’investissement, sans se restreindre à la réalisation du produit. Cette posture change profondément la nature du projet. Elle transforme un objet technique en un véritable produit de santé capable d’accéder au marché.
Tant que la gouvernance fait défaut, les entreprises continueront de perdre du temps, de dépenser en remédiation, et de limiter la portée commerciale de leur innovation. Le gain ne réside pas dans la rapidité d’exécution mais dans la capacité à structurer un projet structuré, cohérent, et résilient.
Ici, Le chemin le plus rapide n’est pas le plus court.

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